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CHAPITRE VI.

élevée, pour aboutir, au sud du pic, à une sorte de col ou de dépression d’où une arête facile conduit au sommet. L’autre passait sur un étroit glacier, situé pour nous au nord-est (il n’existe plus probablement aujourd’hui), qui conduisait à un col très-bien indiqué au nord du pic, d’où une arête moins facile montait directement au point le plus élevé. Nous suivîmes la première de ces deux routes, et, en moins d’une grande demi-heure, nous parvînmes au col, d’où l’on découvre une vue splendide sur le versant méridional du Mont-Rose, ainsi que sur les chaînes de montagnes qui s’étendent à l’est du Mont-Rose et du Val d’Ayas.

Pendant que nous prenions un instant de repos sur ce col, une troupe nombreuse de chamois errants arrivèrent au sommet de la montagne par son versant nord. Quelques-uns, immobiles comme des statues, semblaient apprécier la beauté du panorama grandiose qui les environnait, tandis que d’autres s’amusaient à faire rouler des pierres par-dessus les rochers, tout comme des touristes à deux jambes auraient pu s’en passer la fantaisie. Au bruit de ces fragments de roche, nous levâmes la tête. Les chamois étaient si nombreux autour du sommet où ils s’étaient groupés, sans se douter de notre présence, que nous ne pouvions les compter. Ils se dispersèrent en un clin d’œil, pris de panique comme si une bombe eût éclaté au milieu d’eux, quand mon compagnon les salua de ses cris bruyants, se précipitant effarouchés dans toutes les directions, sûrs d’eux-mêmes dans leurs bonds les plus audacieux, si rapidement et avec tant de grâce, que nous nous sentîmes pénétrés de respect et d’admiration pour leurs facultés alpestres.

L’arête qui conduisait du col au sommet était singulièrement facile, bien que très fendillée par la gelée, et, dans l’opinion de Carrel, il ne serait pas difficile d’établir un sentier pour les mulets entre les blocs de rochers[1] ; mais, en arrivant au sommet de cette crête, nous nous trouvâmes séparés du point le plus élevé

  1. Un chemin de mulets a été ouvert à l’aide d’une souscription de Val Tournanche au sommet du Grand Tournalin.