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ESCALADES DANS LES ALPES.

— je n’ai besoin que d’un peu de pain et de fromage, et encore je n’en mangerai pas beaucoup ; — j’aimerais bien mieux aller avec vous que de transporter n’importe quoi dans la vallée ? » Tels étaient ses arguments, et je fus véritablement contrarié que la rapidité de nos mouvements nous obligeât à abandonner le brave petit homme.

Carrel me fit d’abord passer à travers les pâturages qui dominent au sud et à l’est le village de Val Tournanche. Nous prîmes ensuite un sentier en zigzag qui traversait une longue et sombre forêt, mais nous montâmes souvent tout droit à travers les fourrés les plus épais, ce qui me prouvait qu’il avait une parfaite connaissance du chemin. Quand nous revîmes la lumière du jour, nous suivîmes en la remontant une de ces petites vallées latérales qui restent cachées à tous les regards et qui sont si nombreuses sur les flancs des montagnes qui environnent le Val Tournanche.

Cette vallée, la Combe de Ceneil, se dirige généralement vers l’est et ne contient qu’un petit groupe de maisons (Ceneil). Le Tournalin se dresse à son extrémité supérieure presque juste à l’est de Val Tournanche, mais de ce point on ne peut l’apercevoir. Au delà de Ceneil seulement, il devient visible au fond de la vallée, au-dessus d’un cirque de hauts escarpements sillonnés çà et là par plusieurs belles cascades. Pour éviter ces rochers, le sentier incline un peu vers le sud, en suivant le versant gauche de la vallée. À environ 1050 mètres au-dessus de Val Tournanche, à 450 mètres au-dessus de Ceneil et à 1 kilomètre à peu près à l’est de ce hameau, il atteint la base de quelques moraines, qui ont une largeur remarquable relativement aux dimensions des glaciers qui les ont formées. De ce point on découvre déjà une très-belle vue sur les chaînes de montagnes qui forment le versant occidental du Val Tournanche ; mais là finit le sentier et le chemin devient de plus en plus abrupt.

Parvenus à ces moraines, nous eûmes à choisir entre deux routes. L’une se dirigeait à l’est, en franchissant les moraines, les débris qui les dominent et une large couche de neige plus