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ESCALADES DANS LES ALPES.

guides. Macdonald, toujours le plus calme parmi les plus calmes, me proposa d’essayer ce que nous pourrions faire sans eux ; mais notre bon sens l’emporta, et, finalement, nous retournâmes tous ensemble au Breuil. Le lendemain, mon ami partit pour Londres.

J’avais donc essayé trois fois d’escalader le Cervin, et trois fois j’avais ignominieusement échoué. Je n’avais pas dépassé d’un mètre l’altitude atteinte par mes prédécesseurs. Nulle difficulté extraordinaire ne se rencontrait jusqu’à la hauteur d’environ 3950 mètres, jusque-là, la montée pouvait même être considérée comme « un jeu ». Il ne restait donc à gravir que 550 mètres environ ; mais cet espace, qui n’avait pas encore été parcouru par un pied humain, pouvait offrir les plus formidables obstacles. Aucun montagnard, si hardi et si habile qu’il fût, ne pouvait songer à le gravir tout seul. Un simple fragment de rocher haut de deux mètres pouvait à chaque instant, s’il était perpendiculaire, faire échouer sa tentative. Un pareil passage était à la rigueur praticable pour deux hommes ; pour trois, c’était une bagatelle. Toute expédition raisonnable devait donc se composer de trois hommes au moins. Mais où trouver les deux autres ? Carrel était le seul qui montrait quelque enthousiasme pour une telle entreprise, et, en 1864, il avait absolument refusé de m’accompagner, à moins que l’expédition ne fût composée de quatre personnes. L’obstacle véritable venait donc du manque d’hommes et non de la montagne même.

Le temps s’étant gâté de nouveau, j’allai à Zermatt, dans l’espoir d’y dénicher un guide, et j’y restai pendant une semaine, c’est-à-dire tant que dura la tempête[1]. Je ne pus déterminer un seul bon guide à me suivre, et je retournai au Breuil le 17, dans l’espoir de combiner l’adresse de Carrel avec la bonne volonté de Meynet pour faire une nouvelle tentative en suivant le même chemin, car l’arête du Hörnli que j’avais examinée avec soin me semblait entièrement impraticable. Ces deux hommes se montrèrent assez disposés à m’accompagner, mais

  1. Je fis cependant l’ascension du Mont-Rose pendant ce séjour forcé.