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fussent d’accord pour considérer le cas de Frome comme exceptionnel, personne ne put me fournir une explication de son regard tragique, que je persistais néanmoins à attribuer à autre chose qu’à la pauvreté et aux souffrances physiques. Cependant, j’eusse peut-être fini par me contenter de ces vagues indices, sans le silence provocant de Mrs. Hale, et le hasard, qui, bientôt, me rapprocha d’Ethan Frome lui-même.

Lors de mon installation à Starkfield je m’étais entendu avec l’épicier irlandais, Denis Eady, qui louait aussi des voitures, pour me faire conduire chaque jour à la gare de Corbury Flats, où je prenais le train pour Corbury Junction. Vers le milieu de l’hiver les chevaux de mon loueur tombèrent tous malades, à la suite d’une épidémie locale. La maladie se propagea à toutes les écuries du village, et, durant quelques jours, j’eus de la difficulté à trouver un moyen de transport. Ce fut alors que Harmon Gow m’apprit que le cheval d’Ethan Frome était indemne, et que son maître consentirait peut-être à me transporter.

La proposition me surprit.

— Ethan Frome ? Mais je ne lui ai jamais adressé la parole !… Pourquoi diable se dérangerait-il pour moi ?