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secouée de terreur. Les gonds, eux aussi, auraient-ils une voix ? Mais rien ne bougeait. Je poussai l’huis et me glissai au dehors. Le jardin était plus privé d’air qu’une basse fosse, mais, du moins, pouvait-on y étendre les bras et puis, ô mon père, la beauté des étoiles ! Des cailloux pointus me blessaient les pieds, mais en songeant à la joie de les rafraîchir dans le bassin, les déchirures me semblaient douces… Mon père, j’ai ouï parler des tentations qui assaillent les solitaires au désert, flattant la chair jusqu’à vaincre toute résistance.

Mais de toutes ces séductions, il n’en est pas, j’imagine, qui puisse dépasser l’extase où me mit la première caresse de l’eau. Pour faire durer l’ivresse, je m’y laissai glisser tout doucement, me retenant des mains à la margelle du bassin, et souriant de voir mon corps, à mesure que je le laissais enfoncer, rompre la surface sombre et luisante, brisant en cent éclats le reflet des étoiles. Et l’eau, mon père, semblait me désirer autant que je la désirais moi-même. Les frissons montaient tout autour de moi, d’abord en caresses furtives, puis d’une longue étreinte qui m’enveloppa et m’aspira ; à la fin, c’étaient des baisers à mes lèvres. Elle ne jouait pas en joyeuse camarade comme l’eau des torrents de mon enfance ; c’était une amante se-