Page:Wharton - Les Metteurs en scène, 1909.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fer qui s’abattit au même instant sur mon épaule.

— Vite, dit-il.

Et il me repoussa. Avant que j’aie eu le temps de me rendre compte de ce qui s’était passé, la porte-fenêtre s’était fermée à clef derrière moi et j’étais seul dehors. Le soleil s’était couché et je me sentis envahi par le froid du crépuscule printanier. De loin en loin, une fenêtre s’éclairait sur la longue façade de la villa ; les statues mettaient des taches pâles dans l’ombre des bosquets. À travers les vitraux de la chapelle je vis briller la lampe rouge du sanctuaire, et je me mis à errer comme un fou dans le jardin.

Toute la nuit, sur mon lit, je me tordis de désespoir. Avant le jour, on me fit savoir que le comte avait reçu un dernier ordre de Milan et qu’il devait partir dans une heure. Je pris en courant le chemin trempé de rosée qui descend au lac. Tout me semblait nouveau, silencieux et étrange, et dans la pâleur de l’aube naissante les statues paraissaient des morts dans leur linceul.

Je trouvai la famille dans la grande salle sous le portrait du vieux comte : Andrea et Gemma, assis ensemble, avaient les traits tirés, mais paraissaient convenables et maîtres d’eux-