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meil inquiet. Il se mit sur son séant, il écouta : elle remuait doucement, comme si elle eût craint de le déranger. Il l’entendit repousser une des persiennes, qui grinça ; puis il y eut un moment de silence : il pensa qu’elle attendait de savoir si le bruit l’avait réveillé.

Bientôt elle recommença de remuer. Elle avait eu, sans doute, une nuit d’insomnie, et s’habillait pour aller respirer au jardin. Gannett se leva aussi ; mais, par un indéfinissable instinct, ses mouvements étaient aussi prudents que ceux de Lydia. Il se glissa vers la fenêtre, à pas de loup, et regarda par les lames de la persienne.

Il avait plu pendant la nuit ; l’aube était grise et triste. Les montagnes, de l’autre côté du lac, emmitouflées de nuages, se réfléchissaient à sa surface comme dans un miroir terni. Dans le jardin, les oiseaux commençaient à secouer les gouttes de rosée qui pendaient aux branches des lauriers-tins immobiles.

Gannett se sentit pris d’une immense pitié. L’apparente indépendance intellectuelle de Lydia l’avait aveuglé, lui, pour un temps, sur le caractère féminin de son esprit. Il n’avait jamais songé qu’elle pût, tout comme les autres femmes, pleurer et chercher un appui : ses intuitions étaient d’une telle lucidité qu’on les pre-