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garder son mari elle consentirait aux pires compromis, cédant sur tout pour conserver son bonheur passé. Ah ! mais c’était plus difficile qu’elle ne le pensait ! La loi ne pouvait plus lui servir. Sa propre apostasie deviendrait inutile ! Julia était la victime des théories qu’elle reniait. Elle se sentait déjà prise dans l’engrenage d’une machine gigantesque qu’elle aurait fabriquée elle-même…

L’après-midi elle sortit et marcha vite, sans but, redoutant de rencontrer des visages connus. La journée était radieuse, le ciel bleu d’acier : c’était une de ces journées américaines toutes vibrantes de lumière, par lesquelles on aime à se sentir vivre. Mais les rues lui parurent vides, affreuses ; et sous ce ciel éclatant tout lui sembla prendre des proportions exagérées. Elle héla un hansom qui passait devant elle et donna au cocher l’adresse de Mrs Van Sideren. Elle ne s’expliquait pas bien ce qui lui avait inspiré cet acte, mais elle se sentait tout à coup décidée à parler, à avertir la jeune fille. Il était trop tard pour se sauver elle-même, mais il était encore temps de parler à Una.

Le hansom roula vers la Cinquième Avenue, tandis qu’assise, les yeux fixes, elle cherchait à éviter les regards des gens qu’elle connaissait. Arrivée chez les Van Sideren, elle sauta de la