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siècle, M. Sarcey, avec une autorité magistrale. C’est celle que pratiquaient avant lui, avec leurs qualités propres, les Rolle et les Fiorentino. Janin, ici, s’en passa ; mais c’était Janin, qui suppléait à tout par la richesse éblouissante de son style et le feu de son imagination. M. Adolphe Jullien est de ceux qui l’ont remise en honneur pour la critique musicale.

La méthode paraît bien terre à terre. Elle exige pourtant deux qualités de l’esprit rarissimes : c’est qu’on ait le goût sûr et qu’on soit sûr de son goût. M. Adolphe Jullien possède certainement la seconde de ces deux qualités. Les gens du métier, et, entre autres, M. Reyer, mon spirituel et savant collaborateur, lui reconnaissent la première et tiennent ses jugements en haute estime. Je fais volontiers comme eux. Lecteur fidèle de M. Jullien, très convaincu de sa haute compétence, je ne demanderais pas mieux que de souscrire sans réserve à tous ses arrêts. Mais il y a une réserve, une forte, qui ne tombera jamais ; car M. Jullien m’a bien l’air de ne jamais vouloir se ranger à ce principe fondamental d’esthétique, que chaque art a ses limites et son objet propre ; que l’art du musicien a pour objet incontestable la musique, la musique avant tout, et qu’il suit de là que c’est le droit du musicien de faire de la musique pour la musique, le droit du public de se plaire à la musique d’un opéra, pourvu qu’elle