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C’est sans doute un travers fort commun en France de refuser à un homme supérieur la variété des dons de l’esprit. Il est chez nous toute une classe de petits-maîtres intellectuels et d’éventés politiques, les uns ducs et membres d’Académies, les autres, chefs de groupe ou directeurs de journaux, qui n’entendront jamais qu’on fasse Locke commissaire des appels, puisqu’il a écrit un Traité sur l’éducation, ni Addison, lord du bureau de commerce, puisqu’il s’est montré capable de rédiger le Spectateur, voire le Babillard.

Nous ne croyons pas cependant que M. Dumas ait eu personnellement à souffrir beaucoup de ce genre d’esprit pédantesque et fesse-mathieu. C’est un prêtre illustre qui, justement après avoir lu les Idées de madame Aubray, s’est fait le premier patron de sa candidature à l’Académie française. Pour ce qui est de la foule, elle s’arrache ses brochures sociologiques encore plus avidement que ses drames. L’Homme-Femme, la Question du divorce, les Femmes qui votent et les femmes qui tuent, se sont vendus, à vingt, trente et cinquante mille exemplaires. Une brochure politique de Chateaubriand ou de Benjamin Constant ne s’est jamais débitée en tel nombre. Quelle que puisse être la valeur intrinsèque de la sociologie de M. Dumas, ces faits et ces chiffres prouvent qu’elle a été assez goûtée de ses contemporains !