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peler l’anecdote que conte M. Paul Mesnard[1], et dont il a vérifié l’authenticité. À l’une des représentations de la pièce, données par les comédiens du roi, au milieu du XVIIIe siècle, un soldat de garde au théâtre, et qui, de l’endroit où il faisait faction, pouvait voir et entendre Bérénice, fondit tout à coup en larmes, oublia la consigne et laissa tomber son arme. Cherchez-moi aujourd’hui un tel soldat. Vous pourriez bien mettre à sa place son colonel lui-même, voire le général commandant le corps d’armée ; leur trouble à Bérénice serait médiocre, et la consigne en sortirait saine et sauve. C’est que depuis cent ans l’assiette de l’âme française s’est gravement déplacée ; quelque chose aussi s’y est altéré, et, c’est surtout dans ce dernier quart de siècle que l’altération a été rapide et continue.

  1. Collection Régnier, Œuvres de Racine, tome II, Paris, Hachette.