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et qui va croissant jusqu’à l’hélas final. Quels vers ! Quelles larmes ! Quel délice !


J’aimais, Seigneur, j’aimais, je voulais être aimée.
Ce jour, je l’avouerai, je me suis alarmée,
J’ai cru que votre amour allait finir son cours ;
Je connais mon erreur, et vous m’aimez toujours.


Quel état moral — si délicat et si robuste, si héroïque et si tendre — que celui qui s’exprime en ces retours du sentiment et qui se verse en cette musique de l’âme ! On s’est amusé à railler l’hélas sur lequel tombe la pièce. La pièce peut bien tomber à ce moment sur l’interjection et sur la rime qu’elle voudra. Quand Bérénice s’arrête de pleurer et jette son dernier et généreux gémissement :

… Pour la dernière fois, adieu Seigneur !


je n’entends plus rien. Mon cœur est plein et il déborde.

Je touche aux limites de cette notice et je n’ai qu’effleuré l’œuvre de Racine. Je n’ai pas appuyé sur la diversité des vibrations psychiques que Racine émeut en nous, et dont il y a deux ou trois qui avancent de cent cinquante ans sur le siècle au ton duquel il a accordé sa lyre. Je n’ai pas eu le temps de dire tout le génie d’écrivain et tout le génie de dramaturge qu’il déploie. Je n’ai pas pu entrer