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le plus fier, le plus déchirant des drames. Élégie tant que vous voudrez ; mais élégie souverainement tragique ! C’est ce qu’établit Racine dans sa préface où il développe une théorie de l’art du théâtre, que nous avons déjà recommandée à toute l’attention des jeunes auteurs et par laquelle la critique de Voltaire se trouve d’avance victorieusement réfutée.

L’action dans Bérénice eût gagné à être résumée en trois ou quatre actes ; c’est tout ce que je puis accorder. Elle est réelle d’ailleurs, elle est vive ; elle est menée jusqu’à la catastrophe avec une gradation savante de l’état tragique ; et qu’y a-t-il qui soit plus en effet, qu’y a-t-il de plus palpitant au théâtre que la dernière scène du quatrième acte, quand Titus, sur l’appel d’Antiochus, court à l’appartement de Bérénice expirante et qu’à ce moment même apparaît Rutile qui l’arrête et lui dit qu’il faut laisser expirer Bérénice ; car tous les tribuns, les consuls, le Sénat, attendent dans le palais et exigent de l’empereur une décision immédiate. J’ai vu dans la même semaine le spectre de Banco et l’entrée foudroyante de Rutile ; c’est l’entrée de Rutile qui m’a mis au cœur la plus pressante angoisse. Il est vrai qu’en cet endroit est le mouvement le plus violent de la tragédie. Tout le reste en est pathétique avec grandeur. La douleur d’amour s’y déroule