Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cyr, le premier germe de la Démonstration de l’existence de Dieu, tirée de la connaissance de la nature et proportionnée à l’intelligence des plus simples ? En tout cas, le déisme chrétien d’un Jean-Jacques et d’un Bernardin de Saint-Pierre s’y est pu reconnaître et complaire. Chateaubriand s’en souvenait, lorsqu’il composait le cinquième livre du Génie du christianisme. Pour moi, quand je lis de tels vers, je ne sais que m’écrier : Hosannah ! Hosannah !

Le prix moral d’Esther, comme sa valeur poétique, est infini. Je n’oserais affirmer toutefois que l’affabulation du drame présentât pour la maison de Saint-Cyr tous les avantages et toute l’innocuité que se sont figurés Louis XIV et madame de Maintenon. Les demoiselles de Saint-Cyr avaient d’abord joué Cinna et Andromaque. On a souvent cité, d’après madame de Caylus, le billet significatif de madame de Maintenon à Racine : « Nos petites filles viennent de jouer Andromaque et l’ont si bien jouée, qu’elles ne la joueront plus, ni aucune de vos pièces. » Madame de Maintenon crut qu’une tragédie tirée de la Bible, surtout cette tragédie si pure d’Esther, ne pourrait exercer sur ses élèves qu’une influence saine et fortifiante. Il est à craindre qu’elle ne se soit trompée et que, par rapport à son objet propre, l’éducation dans l’internat de Saint-Cyr, elle n’ait mis la main sur pis qu’Andromaque. Hermione et Oreste