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encore, c’est que dans Esther, comparé à Athalie, comme dans Bérénice, comparé à Britannicus, à Mithridade et à Bajazet, etc., etc., je trouve beaucoup plus de ce qu’il y a chez Racine de spécialement racinien.

Tandis que les catholiques orthodoxes, jansénistes, jésuites, futurs quiétistes, se rencontraient dans une commune édification, les réformés, proscrits de France depuis quatre ans, ne manquaient pas de voir dans Esther la figure éloquente de la vraie Église en larmes sous un nouvel Assuérus. Édouard Fournier, le savant et adroit fureteur, a eu entre les mains une édition d’Esther, que les protestants donnèrent à Neufchâtel en 1689 l’année même où la pièce fut représentée à Saint-Cyr. Les éditeurs, dans l’avertissement, observaient : « que l’on voyait clairement dans cette pièce un triste récit de la dernière persécution et que le lecteur pouvait faire aisément l’application des personnages d’Assuérus et d’Aman » . Quelque chose eût manqué au succès d’Esther, si les Juifs ne s’étaient, à leur tour, emparés de l’œuvre, comme avaient fait les protestants. C’est ce qui arriva quand Esther passa de Saint-Cyr sur les scènes publiques, sous la Régence. L’abbé d’Aubignac parle d’une représentation qui eut lieu en ce temps-là, à Rouen, avec des applaudissements bien plus marqués qu’à Paris, et il attribue cette chaleur parti-