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l’exact et au complet. M. Régnier et ses collaborateurs sont complets avec religion, exacts avec superstition ; ils n’ont pas voulu laisser se perdre une bribe de Corneille, de Molière et de Racine ; ils ont recueilli jusqu’à leur latin ; il s’agit des demi-dieux de notre théâtre.

Corneille, Molière et Racine sont dès à présent des anciens, surtout les deux premiers. L’originalité de M. Adolphe Régnier consiste à les avoir traités comme tels. M. Adolphe Régnier s’est imposé un plan analogue à celui que l’on suit depuis longtemps pour la publication avec commentaires des auteurs grecs et latins. Sa grande affaire a été d’abord le récolement des textes. L’invention de l’imprimerie n’a pas fixé les textes autant qu’on le croit. En dépit de la lettre moulée, les textes des écrivains les plus célèbres et les plus lus sont restés soumis, comme tout en ce monde, à la loi de l’éternel devenir ; ils ont suivi les modes de chaque époque, les variations de l’esprit du goût et de la langue. À peine un quart de siècle s’est-il écoulé depuis la mort d’un auteur illustre, que les éditeurs successifs accommodent sa syntaxe aux habitudes du jour. L’un met un la au lieu d’un sa qui ne lui paraît plus assez clair ; l’autre substitue à un son démodé un son tout neuf ; un troisième ajoute des mots et change des tours de