Page:Weiss - À propos de théâtre, 1893.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Contes, Perrault se les sera fait raconter par ce fils âgé de dix ans, et que, de chaque légende, il n’aura retenu et fixé dans sa rédaction définitive que les circonstances restées en saillie dans l’esprit de l’enfant. Je suis tenté de le croire comme M. Lefèvre, et d’expliquer par l’emploi de ce procédé plus d’une qualité rare des Contes. C’est un prodige avec quelle sûreté l’imagination, en fraîcheur et en appétit, de l’enfance tombe toujours sur la vraie proie. Voilà comment Perrault, aidé d’un bambin, fit enfin du pur moderne, qu’il n’avait pas réussi à faire avec le précieux secours des traités et des raisonnements de Bois-Robert, de Desmarets, de Fontenelle, avec sa propre esthétique !

Oh ! que tout, dans ces Contes, est bien, en effet, spontané et moderne ; les personnages, le récit, les accessoires du récit, le public auquel s’adresse le récit. Personne, parmi les Anciens, n’a écrit de ce style. Parmi les Anciens, personne ne s’est avisé d’écrire spécialement pour les tout jeunes enfants ; c’est un hasard si les livres bibliques, les navigations de l’Odyssée, les légendes d’Hérodote sont accommodés à l’esprit de l’enfance. Encore est-il vrai de dire que, dans l’Histoire sainte, la vénération religieuse change à l’enfant le goût de son plaisir, et que tout ce que content de fables Homère et Hérodote est bien extraordinaire pour lui et ne lui