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quatre chardonneretsfurent attrapés d'un seul coup. Sauvageol était aux « Méniqûètte sera bien héureuse » me répétait-il. Cependant, si notre cage à demi pleine me réjouissait, je commençais à me préoccuper beaucoup de notre retour à la ville. Bien que le soleil me parût haut encore, j'aurais voulu partir. Je manifestai à plusieurs reprises mon impatience à Sauvageol; mais l'Octonais, qui n'était jamais plus heureux qu'en rase campagne, ne m'entendait guère. Pour avoir rai- son de lui, je me mis à m'agiter sous les châtaigniers de façon à effrayer les oiseaux. Adrien comprit, se leva, et, tout en dévorant ce qui nous restait de provisions, nous nous mîmes en route. Le cadran de Grangelourde indiquait deux heùres nous accélérâmes le pas, et perdîmes bientôt la ferme de vue. Malgré les craintes qu'amenait dans mon esprit notre retour à la maison, mes impressions du soir, en traversant les éter- nelles friches de l'Escandorgue, furent plus douces, plus se- reines que celles du matin. D'abord je n'avais plus peur d'être traqué par les loups, puis la lande me paraissait belle, avec le soleil rouge qui la chauffait et la faisait resplendir. Maintenant les pyramides et les hauts clochers de basalte, croisant leurs grandes ombres de tous côtés, me rappelaient Saint-Fulcran avec ses gargouilles, ses arcs-boutants, ses tours, et le chant monotone de nos pauvres oiseaux captifs m'emplissait l'âme de poésie. Notre vie désormais devint un véritable vagabondage. Nous paraissions bien quelquefois au collège, mais le plus souvent nous récitions nos leçons aux merles de Gourgas, aux ver- diers du ruisseau du Soulondre, aux linottes de l'Escan- dorgue. Cependant, le moment approchait où notre dissipation écla- terait aux yeux de tous. Le temps fuyait rapide au milieu de nos joies, et nous touchions déjà au mois d'août. Encore deux ou trois èxcursions aux montagnes prochaines, et nous tenions le 10, jour fixé pour la distribution solennelle des prix. Que deviendrions-nous ce jour-là? Où cacher notre confusion, notre honte Le principal du collège ne nous dénoncerait-il pas lui- même à nos parents? Qu'arriverait-il si par malheur, mon père, mon impitoyable père, survenait tout à coup Ne pouvant reculer le 10 août jusqu'au bout de l'année, nous l'attendîmes avec une impatience inquiète, nous abstenant de toute expédition. Enfin, le soleil du 10 août se leva; il était magnifique. Mon oncle Savignac (1) et les parentsde Sauvageol, en habits de fête, 1. Mon oncle bamgnac 10 curé d'Oetou, qui avait amoué Sauvageol à Lodùvo.