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Bretagne vit encore, et ils ont contribué à faire la Bretagne ils n'ont pas eu de rôle dans le grand drame, mais ils ont fait partie de ce vaste chœur, sans lequel le drame serait froid et dépourvu d'acteurs sympathiques. Et quand la Bretagne ne sera plus, la France sera; et quand la France ne sera plus, l'humanité sera encore, et éternellementl'on dira Autrefois, il y eut un noble pays, sympathiqueà toutes les belles choses, dont la destinée fut de souffrir pour l'humanité et de combattre pour elle. Ce jour-là* le plus humble .paysan qui n'a eu que deux pas à faire de sa ca- bane au tombeau vivra comme nous dans ce grand nom im- mortel il aura fourni sa petite part à cette grande résultante. ERNEST RENAN, L'Avenir de la Science (Calmann-Lévy, édit.) . La Dent Sous le nom de son héros Pierre Nozière, fls d'un ntédecin g2ei est un sauant; Anatole France se représente tout enfant devant les grands problèmes de l'humanité. L'examen de la dent d'un homme préhisto- rique, découverte par hasard, inspire au docteur des paroles que le bambin ne comprend pas tout d'abord, mais qui seront bientot pour lui la plus noble et la plus fbrte des leçons. Assis DANS SON fauteuil devant son bureau à cylindre, mon père examinait depuis quelques instants une espèce de petit os pointu d'un bout et tout fruste de l'autre. Il le roulait dans ses doigts. «  Voici, dit-il, la dent d'un homme qui vécut au temps du mammouth, pendant l'âge des glaces, dans une caverne nue et désolée. Cet homme ne connaissait que la peur et la faim. Il ressemblait à une bête. Son front était déprimé. Les muscles de ses sourcils formaient en se contractant de hideuses rides ses mâchoires faisaient sur sa face une énorme saillie; ses dents avançaient hors de sa bouche. Voyez comme celle-ci est longue et pointue. Telle fut la première humanité. Mais insensiblement, par de lents et magnifiques efforts, les hommes, devenus moins misé- rables, devinrent moins féroces leurs organes se modifièrent par l'usage. L'habitude de la pensée développa le cerveau, et le front s'agrandit. Les dents, qui ne s'exerçaient plus à déchirer la chair crue, poussèrent moins longues dans la mâchoire moins forte. La face humaine prit une beauté sublime. » Ici, mon père, élevant lentement au-dessus de sa tête la dent de 'homme des cavernes, s'écria «  Vieil homme, dont voici la rude et farouche relique, ton souvenir me remue dans le plus profond de mon être je te res-