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voulaient passer d'abord, ils poussèrentleur long cri de guerre, le mufle haut, la gorge enflée en cornemuse. Les mammouths barrirent (1). C'étaient cinq vieux mâles leurs corps étaient des tertres et leurs pieds des arbres; ils montraient des défenses de dix coudées, capables -de transper- cer les chênes; leurs trompes semblaient des pythons (2) noirs; leurs têtes des rocs ils se mouvaient dans une peau épaisse comme l'.écorce des vieux ormes. Derrière, suivait le long trou- peau couleur d'argile. Cependant, leurs petits yeux agiles fixés sur les taureaux, les vieux mammouths barraient la route, pacifiques, imperturba- bles et méditatifs. Les huit aurochs, aux prunelles lourdes, aux dos en monticules, la tête crépue et barbue, les cornes arquées et qui divergeaient, secouèrent des crinières grasses, lourdes et bourbeuses: au fond de leur instinct, ils percevaient la puissance des ennemis, mais les rugissements du troupeau les baignaient d'une vibration belliqueuse. Le plus fort, le chef des chefs, baissa son front dense, ses cornes étincelantes il s'élança comme un vaste projectile, il rebondit contre le mam- mouth le plus proche. Frappé à l'épaule, et quoiqu'il eût amorti le coup par une cinglée de trompe, le colosse tomba sur les genoux. L'aurochs poursuivit le combat avec la ténacité de sa race. Il avait l'avantage sa corne acérée redoubla l'attaque, et le mammouth ne pouvait se servir, très imparfaitement, que de sa trompe. Dans cette vaste mêlée de muscles, l'aurochs fut la fureur hasardeuse, un orage d'instincts que décelaient les gros yeux de brume, la nuque palpitante, le mufle écumeux et les mouvements sûrs, nets, véloces, mais monotones. S'il pou- vait abattre l'adversaire et lui ouvrir le ventre, où la peau était moins épaisse et la 'chair plus sensible, il devait vaincre. Le mammouth en avait conscience il s'ingéniait à éviter la chute complète, et le péril l'induisait au sang-froid. Un seul élan suffisait à le relever, mais il eût fallu que l'aurochs ralen- tit ses poussées. D'abord, le combat avait surpris les autres mâles. Les quatre mammouths et les sept taureaux se tenaient face à face, dans une attente formidable. Aucun ne fit mine d'intervenir ils se sentaient menacés eux-mêmes. Les mammouths donnèrent les premiers signes d'impatience. Le plus haut, avec un souffle- ment, agita ses oreilles membraneuses, pareilles à de gigan- tesques chauves-souris, et s'avança. Presque en même temps, celui qui combattait le taureau dirigeait un coup de trompe l. liarrir se dit du mugissement des éléphants, dont le mammouth est une espèce, 2. Pythons sorte do serpents qui s'enroulent autour de lours proies et les iHouffent.