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face barbue, de quelques chevreuils plus furtifs que des feuilles tombantes, d'un vieil élaphe (1) dont le front semblait produire un arbre. Un sanglier brutal, querelleur et chagrin, était le seul qui bût sans crainte. Les autres, l'oreille mobile, les pru- nelles sautillantes, avec de continuelsgestes de fuite, décelaient la loi de la vie, l'alerte infinie des faibles. Brusquement,toutes les oreilles se dressèrent, les têtes scru- tèrent l'inconnu. Ce fut rapide, sûr, avec un air de désordre: chevaux, onagres, saïgas, mouflons, chevreuils, élaphe, fuyaient par la passe du couchant, sous l'averse des rayons écarlates. Seul, le sanglier demeura, ses petits yeux ensanglantés virant entre les soies des paupières. Et des loups parurent, de grande race, loups de forêt autant que de savane, hauts sur pattes, la gueule solide, les yeux proches, et dont les regards jaunes, au lieu de s'éparpiller comme ceux des herbivores, convergeaient vers la proie. Naoh, Nam et Gaw tenaient prêts l'épieu et la sagaie, tandis que le sanglier levait ses défenses croches et ronflait formidablement. De leurs yeux rusés, de leurs narines intelligentes, les loups mesurèrent l'ennemi le jugeant redou- table, ils prirent la chasse vers ceux qui fuyaient. Leur départ fit un grand calme, et les Oulhamr, ayant achevé de boire, délibérèrent. Le crépuscule était proche; le soleil croulait derrière les rocs; il était trop tard pour pour- suivre la route où choisir le gîte ? «  Les aurochs approchent » fit Naoh. Mais au même instant, il tournait la tête vers la passe de l'ouest; les trois guerriers écoutèrent, puis ils se couchèrent sur le sol «  Ceux qui viennent là ne sont pas des aurochs! » murmura Gaw. Et Naoh affirma «  Ce sont des mammouths (2) » Nam aperçut le premier une caverne. Basse et peu pro- fonde, elle se creusait irrégulièrement. Les Oulhamr n'y péné- trèrent pas tout de suite; ils la fouillèrent longtempsdu regard. Enfin Naoh précéda ses compagnons, baissant la tête et dila- tant les narines; des ossements se rencontraient, avec des fragments de peau, des cornes, des bois d'élaph.e, des mâchoires. L'hôte se décelait un chasseur puissant et redoutable; Naoh ne cessait d'aspirer ses émanations «  C'est la caverne de l'ours gris », déclara-t-il. La caverne était abandonnée, soit que l'ours y eût renoncé, soit qu'il se fût déplacé pour quelques semaines ou pour une saison, soit encore qu'il lui fût arrivé malheur à la traversée du Élaphe cerf d'Europe. 2 Mammouths éléphants gigantesques à défenses recourbées, disparus aujourd'hui