Page:Weil et Chénin, Contes et récits du XIXe siècle - 1913.djvu/217

Cette page n’a pas encore été corrigée

peu d'air. Le charbonnier doit toujours être maître de son feu. Si le charbon gronde, c'est que la cuisson va trop vite, et avec le râteau on applique du frasil sur les ouvertures; si le vent s'élève, autre souci il faut abriter le fourneau avec des claies d'osier. Enfin, après mille maux et mille soins, la cuisson s'achève. Le fourneau s'aplatit lentement, on l'éventre d'un seul côjté, et le charbon paraît noir comme une mûre, lourd et son- nant clair comme argent. Vous arrive-t-il de manquer une cuisson? De fois à autre, et alors nous reversons les rondins mal cuits dans un nouveau fourneau. C'est un rude métier, comme vous le disiez. Je le croirais! mais on l'aime en dépit de tout. Voilà cin- quante ans que je le fais; je l'ai commencésous défunt mon père dans les bois de l'Argonne, et depuis ce temps-là j'en ai vu des forêts, je vous en réponds Moi aussi, j'aime votre métier, dit Tristan (1); et, si j'osais, je vous chanterais une chanson que j'ai faite sur les chai. bonniers. Osez tout de même, reprit le père, cela nous fera grand plaisir. » Alors Tristan, de sa voix de stentor (2), entonna ces couplets, composés sur un vieil air rustique Rien n'est plus fier qu'un charbonnier Qui se chauffe à sa braise; Il est le maître en son chantier Où flambe sa fournaise. Dans son palais d'or, Avec son trésor, Un roi n'est pas plus à l'aise. Il a la forêt pour maison Et le ciel pour fenêtre; Ses enfants poussent à foison Sous le chêne et le hêtre; Ils ont pour berceaux L'herbe et les roseaux, Et le rossignol pour maître. Né dans les bois, il veut mourir Dans sa forêt aimée; Sur sa tombe, on viendra couvrir Un fourneau de ramée Le charbon cuira, Et son âme ira Au ciel avec la fumée. i. Tristan l'ami et le compagnon d'André ïliouriet. 2. Voix de stentor voix forte et rutontlusiuite (du nom de. Stentor, héros grec de la guerre do Troie, doué d'uuo voix formidable).