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forêt de Lions ? C'était dans l'année des grandes neiges, que les pauvres gens eurent si grand'peine à vivre. Ce fut une ter- rible désolation dans le pays. Brisquet, qui allait toujours à sa besogne, et qui ne craignait pas les loups à cause de sa bonne hache, dit un matin à Bris- quette Femme, je vous prie de ne laisser courir ni Biscotin, ni Biscotin, tant que M. le grand louvetier (2) ne sera pas venu. Il y aurait du danger pour eux. Ils ont assez de quoi marcher entre la butte et l'étang, depuis que j'ai planté des piquets le long de l'étang pour les préserver d'accident. Je vous prie aussi, Brisquette, de ne pas laisser sortir la Bichonne, qui ne demande qu'à trotter. » Brisquet disait tous les matins la même chose à Brisquette. Un soir, il n'arriva pas à l'heure ordinaire. Brisquette venait sur le pas de la porte, rentrait, ressortait, et disait, en se croi- sant les mains «  Mon Dieu, qu'il est attardé 1» Et puis elle sortait encore, en criant «  Eh 1 Brisquetl »» Et la Bichonne lui sautait jusqu'aux épaules, comme pour lui dire « N'irai-je pas? Paix lui dit Brisquette. Écoute, Biscotine, va jusque devers (3) la butte pour savoir si ton père ne revient pas. Et toi, Biscotin, suis le chemin au long de l'étang, en prenant bien garde s'il n'y a pas de piquets qui manquent, et crie fort BrisquetI Brisquet I. Paix là Bichonne! » Les enfants allèrent, allèrent, et quand ils se furent rejoints à l'endroit où le sentier de l'étang vient couper celui de la butte « Mordienne (4), dit Biscotin, je retrouverai notre pau- vre père, ou les loups m'y mangeront. Pardienne (5), dit Biscotine, ils m'y mangeront bien aussi. » Pendant ce temps-là, Brisquet était revenu par le grand che- min de Puchay, en passant à la Croix-aux-Anes, sur l'abbaye de Mortemer, parce qu'il avait une hottée de cotrets (6) à fournir chez Jean Paquier. «  As-tu vu nos enfants? lui dit Brisquette. Nos enfants ? dit Brisquet, nos enfants 1 mon Dieu! sont-ils sortis ? Je les ai envoyés à ta rencontrejusqu'à la butte et à l'étang, mais tu as pris par un autre chemin. » Brisquet ne posa pas sa bonne hache. Il se mit à courir du côté de la butte. « Si tu menais la Bichonne? » lui cria Bris- quette. La Bichonne était déjà bien loin. Elle était si loin, que 1. Que où, C'est une imitation du parlor paysan. 2. M. le grand louvetier l'of- flcier (lui commandait l'byuipage pour la cltaaso des loups. it. /Javers du côté do. Vieux mot. 4 et 5. Mordienne. pardienne sortes de jurons paysans. 6. CoCrets petits fagots.