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apparaît, c’est l’impartialité commandée par le Christ. Et si tout bien procède du bien, tout ce qui est bien véritable et pur procède surnaturellement de Dieu. Car la nature n’est ni bonne ni mauvaise, ou l’un et l’autre à la fois ; elle ne produit que des biens qui sont mélangés de mal, des choses qui ne sont bonnes que sous condition d’un bon usage. Tout bien authentique est d’origine divine et surnaturelle. Le bon arbre qui ne produit que de bons fruits, c’est Dieu comme distributeur de la grâce. Partout où il y a du bien, il y a contact surnaturel avec Dieu, fût-ce dans une tribu fétichiste et anthropophage du centre de l’Afrique.

Mais beaucoup de biens apparents ne sont pas des biens authentiques. Par exemple les vertus du type romain ou cornélien ne sont pas des vertus du tout.

Mais quiconque donne à un malheureux sans que sa main gauche sache ce que fait sa main droite a Dieu présent en lui.

Si les Hébreux, comme peuple, avaient ainsi porté Dieu en eux, ils auraient préféré souffrir l’esclavage infligé par les Égyptiens — et provoqué par leurs exactions antérieures — plutôt que de gagner la liberté en massacrant tous les habitants du territoire qu’ils devaient occuper.

Les vices de ces habitants — s’il ne s’agit pas de calomnies, car les accusations des meurtriers ne sont pas recevables contre les victimes — n’excusent rien. Ces vices ne lésaient pas les Hébreux. Qui les avait faits juges ? S’ils avaient été juges des populations de Canaan, ils n’auraient pu prendre leurs territoires ;