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parce qu’elle n’y voit plus qu’une des manifestations de l’existence de son enfant. C’est de cette manière qu’à travers toutes les choses bonnes et mauvaises, indistinctement, nous devons aimer Dieu. Tant que nous aimons seulement à travers le bien, ce n’est pas Dieu que nous aimons, c’est quelque chose de terrestre que nous nommons du même nom. Il ne faut pas essayer de réduire le mal au bien en cherchant des compensations, des justifications au mal. Il faut aimer Dieu à travers le mal qui se produit, uniquement parce que tout ce qui se produit est réel, et que derrière toute réalité il y a Dieu. Certaines réalités sont plus ou moins transparentes ; d’autres sont tout à fait opaques ; mais derrière toutes indistinctement il y a Dieu. Notre affaire est seulement d’avoir le regard tourné dans la direction du point où il se trouve, soit que nous puissions ou non l’apercevoir. S’il n’y avait aucune réalité transparente, nous n’aurions aucune idée de Dieu. Mais si toutes les réalités étaient transparentes, nous n’aimerions que la sensation de la lumière et non pas Dieu. Quand nous ne le voyons pas, quand la réalité de Dieu n’est rendue sensible à aucune partie de notre âme, alors, pour aimer Dieu, il faut vraiment se transporter hors de soi. C’est cela aimer Dieu.

Pour cela il faut avoir constamment le regard tourné vers Dieu, sans jamais bouger. Autrement comment connaîtrions-nous la bonne direction quand un écran opaque s’interpose entre la lumière et nous ? Il faut être tout à fait immobile.

Rester immobile ne veut pas dire s’abstenir d’ac-