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Un ennemi, même lorsqu’il est mort, ne devient pas pour cela un ami.
Je ne suis pas née pour partager la haine, mais l’amour.


À cette parole touchante, le roi répond par une condamnation à mort :


Eh bien ! va-t’en dans la tombe, et aime les morts si tu as besoin d’aimer.


Ismène arrive ; elle voudrait maintenant partager le sort de sa sœur, mourir avec elle. Antigone ne le permet pas, et essaie de la calmer :


Tu as choisi de vivre, et moi de mourir.
Prends courage, vis. Pour moi, mon âme est déjà morte.


Le roi fait emmener les deux jeunes filles. Mais son fils, qui est fiancé à Antigone, vient intercéder auprès de lui pour celle qu’il aime. Le roi ne voit dans cette démarche qu’une nouvelle atteinte à son autorité. Il se met surtout dans une violente colère quand le jeune homme se permet de dire que le peuple a pitié d’Antigone. Le débat tourne aussitôt en querelle. Le roi s’écrie :


Est-ce que ce n’est pas à moi seul à commander ce pays ?
Il n’y a pas de cité qui soit la chose d’un seul homme.
Est-ce que la cité n’appartient donc pas au chef ?
Tu pourrais aussi bien, à ce compte, régner tout seul dans un pays désert.


Le roi se bute ; le jeune homme s’emporte, n’obtient rien, et s’en va désespéré. Quelques citoyens de Thèbes, qui ont assisté à la querelle, admirent la puissance de l’amour :


Amour invincible au combat,
amour, toi qui te glisses dans les maisons,