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trouver d’aucune autre manière. Il n’y a pas d’autre critérium pour la reconstitution d’une mosaïque dispersée en fragments.

L’unique alternative à cette interprétation est d’admettre que les Grecs écrivaient des choses incohérentes et inintelligibles. C’est ce qu’on a fait jusqu’ici. Mais on a eu tort. Nous avons fait l’erreur de les juger d’après nous-mêmes.

Encore une correspondance. Dans le Timée[1], Platon parle de l’espace comme d’une figure de quel que chose qui correspond à ce qu’est la Vierge dans la doctrine catholique (matrice toujours intacte, mère enfantant par union avec le Modèle divin, réalité qui participe du spirituel d’une manière inconcevable, etc.). Or l’Épinomis parle de la prédestination des figures planes, donc de l’espace, pour l’opération miraculeuse de la médiation.

Voici la découverte qui avait enivré les Grecs : la réalité de l’univers sensible est constituée par une nécessité dont les lois sont l’expression symbolique des mystères de la foi.

(Probablement c’était connu depuis toujours, mais enfermé dans les doctrines secrètes, et les Grecs l’ont peut-être redécouvert.)

C’était certainement connu encore des premiers chrétiens.

Il doit y avoir une allusion à une symbolique de ce genre dans les paroles merveilleuses et incompréhensibles de Saint Paul :


« Soyez enracinés et fondés dans l’amour, pour avoir la force de saisir, ainsi que tous les saints, ce que sont la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur, et de connaître ce qui passe la connaissance, l’amour du Christ[2]. »


La quantité de textes merveilleusement beaux et aujourd’hui totalement inintelligibles contenus dans

  1. 50 b-51 a.
  2. Éphés., iii, 17-19.