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Dieu a voulu que tout fût bon, (φλαῦρον δὲ μηδὲν εἷναι κατὰ δύναμιν) qu’aucune chose ne fût dépourvue de la valeur qui lui est propre. Ainsi il a pris tout ce qu’il y avait de visible, alors que cela était sans repos, toujours dans un mouvement sans rythme et sans ordre. Il amena cela du désordre à l’ordre, jugeant que l’ordre est absolument meilleur que le désordre (πάντως) [i.e. meilleur en soi, non pas sous tel rapport].

L’être le plus parfait n’a pas eu et n’a pas licence de faire autre chose que le plus beau. Par réflexion il aperçut que, parmi les choses d’essence visible, un univers sans intelligence ne pouvait aucunement être plus beau qu’un univers où il y aurait une intelligence. Il est impossible que l’intelligence existe quelque part sans l’âme. D’après ce calcul, c’est par l’union d’une intelligence avec une âme et d’une âme avec un corps qu’il charpenta l’univers, afin d’avoir accompli quelque chose qui par essence fût l’ouvre parfaitement belle. Ainsi selon la vraisemblance [expliquer ce mot : reflets d’argent de Saint Jean de la Croix] il faut dire que ce monde est né doué en vérité d’une âme et d’une intelligence par la providence de Dieu[1]. »


Le modèle.


« À la ressemblance duquel des êtres vivants le compositeur a-t-il composé ? Dédaignons de dire que ce serait à la ressemblance de l’un des êtres qui constituent des parties. Car ce qui ressemble à l’imparfait ne peut nullement être beau. L’être vivant dont tous les autres, considérés séparément ou par espèces, sont des parties, c’est cet être parmi tous auquel nous poserons que le monde est le plus semblable. Celui-là embrasse et possède en lui tous les êtres vivants spirituels, comme le monde contient nous et tous les animaux visibles. À cet être, le plus beau des êtres spirituels (νοουμένων), parfait absolument à tous égards, Dieu a voulu faire ressembler un unique vivant visible, ayant à l’intérieur

  1. Timée, 29 d-30 c.