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éclairée pour ces humbles serviteurs dont le mestier consiste à composer

Les biaus contes et les repris,

afin de tracer la route

A ceuls qui ont la voie emprise
D’onneur, la loée et prisie.

Prôner les vertus chevaleresques, flétrir les vices qui leur font obstacle, voilà donc le fond de la poésie de notre trouvère : c’est à cette source pure que s’abreuve sa muse.

À vrai dire, chez lui comme chez les autres écrivains de sa profession, cette passion pour la perfection morale, ce zèle pour le chevalier idéal, cette élévation de sentiments, ne s’exhalent pas sous une forme qui fasse croire à l’épanchement franc d’une vocation intime pour le culte du beau, à l’élan naturel d’une âme fortement trempée, à l’expression spontanée d’une nature d’élite. Trop souvent, nous voyons percer sous sa rime apprêtée et guindée les ficelles du métier, et sous son enthousiasme des intérêts de profession. Les sujets qu’il traite ne sont pas empreints de ce cachet d’invention native, qui révèle une organisation supérieure, une tournure d’esprit originale, un penseur faisant librement résonner les fibres de son âme. Mais, néanmoins, s’il ne brille point par des côtés remarquables et individuels au-dessus des rimeurs de son temps, Watriquet ne leur est point inférieur, si l’on tient compte du genre poétique qu’il cultiva et de sa condition sociale, ni en mérite littéraire, ni en valeur personnelle.