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les petits


ii. — L’Orage.


Le brave Émeriau, le père du petit garçon dont je vais vous raconter l’histoire, était propriétaire d’un de ces bateaux ; il faisait partie de cette peuplade amphibie qui traînait avec elle sur l’océan sa cabane, sa famille, et tout ce qu’elle possédait. Ce fut dans la case étroite, élevée à l’extrémité de cette barque, que Pierre vint au monde : lorsqu’il put marcher, il s’aventura de la case au bateau et le parcourut dans toute sa longueur. C’était à la fois sa maison, sa promenade, son univers ; il n’imaginait rien au-delà de la mer ; le ciel et les nuages étaient constamment l’objet de sa curieuse admiration ; il se couchait dans la barque et là, le nez au vent, les yeux attachés sur les nuages aux mille palais fantastiques, il s’amusait à les voir courir poussés par le vent, à se former, à s’évanouir, à se revêtir des couleurs les plus belles et les plus variées. Pierre avait trois ans alors ; et comme on lui avait dit qu’il ne fallait point sauter hors de la barque s’il ne voulait pas mourir, et que Pierre était obéissant, il ne se penchait jamais sur les bords, et jouait avec les filets de son père. L’enfant avait cinq ans, lorsque pour la première fois sa mère le conduisit chez un habitant des huttes du marais ; c’était son oncle. Sa femme berçait dans ses bras une jolie petite fille de deux ans ; on allait la baptiser, et Pierre avait été amené dans la hutte pour y être baptisé en même temps.

Les deux enfants reçurent les noms de Pierre et de Loubette ; un repas moins frugal que de coutume succéda à