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sible de nous sentir émus à l’audition d’une œuvre de ce musicien puisque nous cherchions, non pas à faire défiler devant nous comme un kaléidoscope aux formes les plus variées et aux couleurs les plus vives, mais bien l’expression de sentiments parlant à notre cœur et touchant aux fibres mêmes de notre intimité et de notre humanité.

Dans ce cas précis, toute faculté créatrice faisait défaut à Mendelssohn ; aussi s’était-il vu obligé, lorsque dans l’oratorio il touchait au drame, de calquer toutes les particularités essentiellement propres à ses prédécesseurs et de prendre ceux-ci comme modèles à suivre. Et ce qui est encore plus remarquable, c’est que ce compositeur fixait de préférence son choix, pour son langage sans expression personnelle, sur notre vieux maître Bach. Or, il ne faut pas oublier que Bach forma son génie et sa langue en une période où la langue musicale était encore à la recherche d’une expression plus individuelle et plus positive. Empêtrée dans le formalisme et le pédantisme, c’est grâce à Bach que la langue musicale doit de trouver pour la première fois une expression spécifiquement humaine. Mais la langue de Bach est à celle de Mozart et de Beethoven, ce que le sphinx égyptien est à la statue grecque. De même que le sphinx égyptien tend à se défaire de sa forme animale, de même la noble figure de Bach s’efforce de se dépouiller de sa perruque. Pour soutenir qu’il n’existe d’autre différence entre la langue de Bach et celle de Beethoven que l’individualité de style et de pensée propre à chacun de ces deux maîtres, il faut toute l’incohérence et la futilité de nos contemporains. En