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quand parfois je cesse mon travail, et renonce à une page pour ce jour-là. Comment me sentirai-je, quand j’aurai terminé ? J’ai encore à écrire près de trente-cinq pages de partition. Je crois pouvoir finir cela en douze jours. Dans quel état me trouverai-je alors ? Sans doute un peu épuisé, je pense. Déjà maintenant la tête me tourne. Hélas ! Et puis, comme je dépends du temps qu’il fait ! Quand le ciel est clair, sans nuages, on fait de moi ce que l’on veut, exactement comme lorsqu’on m’aime ; si, au contraire, l’atmosphère me pèse, je puis tout au plus résister, montrer de l’orgueil, mais le beau devient difficile à œuvrer.

Il me manque l’espace pour m’étendre. Dieu, comme le monde se rétrécit autour de moi ! Comme tout pourrait me devenir plus facile !

Mais consolons-nous ! Après tout, je ne connais personne avec qui je voudrais échanger mon sort. —

Saluez Kléobis et Biton ; ainsi s’appellent bien, si je ne me trompe, vos deux braves jeunes gens d’Argos. Ce sont déjà de vieilles connaissances pour moi. Il est fâcheux que les Grecs aient été si arriérés en comparaison de nous. Leur religion, par exemple, n’a rien d’abstrait ; ce n’est autre chose qu’un monde immensément luxuriant de mythes, si plastiques et déterminés, qu’on n’en oublie plus jamais les représentations.

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