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quiétudes ? — Mais aussi par des illusions ? Alors tout serait de nouveau si vide et si nul : comment votre tranquillité pourrait-elle me faire alors du bien ? — Il n’y a pas à dire : on doit avoir la force de tout s’avouer, toute la misère de la vie et du monde, afin de pouvoir jouir complètement de la seule chose qui nous élève au-dessus de cette misère.

Voilà ma philosophie, même à l’égard de ceux qui cherchent à se rendre la vie supportable en ne voulant pas voir ses ombres, ou en se les cachant. La jouissance qui leur reste, c’est de se complaire dans leur illusion : quiconque pense autrement sait, au contraire, de quoi il peut se réjouir, notamment en triomphant de la souffrance, triomphe qui seul donne la force, rend fier, procure la jouissance.

Merci bien pour la lettre du frère ; je la renvoie à l’oncle Wesendonk avec mes meilleurs compliments. Je voudrais qu’il donnât bientôt le signal du départ pour Lucerne ! Alors nous disputerons fameusement au sujet de la guerre ; là-bas on peut le faire tout à l’aise, parce que cela ne vous touche pas directement et qu’on n’en peut rien faire dépendre de soi ; là où il en est autrement, où la décision et la tournure des choses dépend de notre plus intime vouloir, c’est cette volonté, l’action, la manière de faire qui doit parler. Et à ceci nous voulons nous tenir !

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