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du monde, du poëte, de l’artiste. Le merveilleux, et l’opposition déterminée aux conceptions ordinaires de la vie, je les reconnais alors clairement à ceci, c’est que, tandis que les premières se guident et se constituent toujours exclusivement par le maintien de l’expérience, la conception du poëte saisit, avant toute expérience, par la puissance qui lui est propre, ce qui seul donne du sens, de la signification à l’expérience. Si vous étiez une philosophe bien exercée, je vous ferais remarquer que nous touchons ici, dans une importante mesure, au phénomène, qui seul rend toute conscience possible, et ce pour la raison suivante : l’entière charpente de l’espace, du temps, de la causalité, dans laquelle le monde se présente à nous, est constituée d’avance dans notre cerveau, comme formant ses plus caractéristiques fonctions, de sorte que ces propriétés essentielles de toutes choses, à savoir l’espace, le temps et la causalité, sont déjà contenues dans notre tête avant la conception de ces choses, puisque sans cela nous ne pourrions point les reconnaître. Ce qui maintenant est élevé au-dessus de l’espace, du temps, de la causalité et qui n’a pas besoin de ces moyens de reconnaissance, donc ce quelque chose qui est affranchi de ces conditions de limite, dont Schiller a si bien et si magnifiquement dit, qu’il est uniquement vrai, parce qu’il n’a jamais été ; ce quelque

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