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58.

Venise,[1] 30 Septembre 58.
À l’amie,
Madame Elise Wille.

Croyez-le, chère amie, je dois rassembler toutes mes forces, rien que pour tenir bon. À chaque instant, il me faut m’écrier : « courage ! courage ! » sinon tout s’effondre ! — Ce qui seul me reste encore, c’est l’isolement, la solitude la plus complète. Elle est mon unique consolation, mon unique salut ! Et toutefois cela m’est tellement anti-naturel, à moi, qui aime tant à m’épancher sans arrière-pensée, sans réserve. Mais — il est vrai de dire que tout est anti-naturel chez moi. J’ignore ce qu’est la famille, ce que sont les parents, les enfants : mon mariage ne fut qu’une épreuve de patience et de pitié. Je ne connais aucun ami auquel je pourrais me confier absolument, sans en éprouver après coup des regrets ; de jour en jour, je sens

  1. L’original manque.
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