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monde, celui-là sent aussi à la fin combien il est en droit de refuser ce qu’il ne possède point. Mais qu’entendons-nous par « le monde » ? À notre sens, tous les humains, qui peuvent se donner vraiment ce qu’ils veulent pour leur félicité : honneurs, gloire, bien-être, mariage avantageux, société agréable, joie de la possession sous toutes ses formes. Celui qui n’atteint point pareil but en veut pour cela au monde. Mais qu’il nous conviendrait peu, à nous, de garder rancune au monde ! Nous ne désirons rien de ce qu’il peut retirer ou donner au gré de son caprice. De sorte qu’alors mon regard se porte avec compassion vers l’humanité, et je me réjouis du pouvoir de donner, qui apporte la consolation, là où l’illusion se crée des souffrances. Celui qui est tellement, si merveilleusement au-dessus du monde, ne doit, ne peut, sous aucun prétexte exiger quelque chose de lui ni accepter quoi que ce soit, sauf le cas où il élèverait ou rendrait heureux le donateur par l’acceptation. Si nous voulions de lui, au contraire, un réel sacrifice, qu’il sait être tel, et auquel il ne se résoudrait qu’à contre-cœur, cela devrait nous démontrer immédiatement, que nous sommes descendus de notre hauteur, et que nous étions en train de manquer à notre dignité. Tel était également le sens de la mendicité bouddhiste ; le religieux, qui avait renoncé à toute possession, apparaissait, calme et grave,

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