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du grand Mogol.

Dara qui le menace, mais il diſſimule pour la même raiſon que Sultan Sujah & donne la même réponſe. Cependant voyant que ſes finances n’étoient pas trop abondantes, & que ce qu’il avoit de gens de guerre en ſon particulier n’étoit que fort peu de choſe, il s’aviſa de deux artifices, qui lui reüſſirent admirablement ; l’un au regard de Morad-Bakche, & l’autre au regard de l’Émir-Jemla. À Morad-Bakche il écrit en diligence une belle Lettre, lui témoigne qu’il a toujours été ſon véritable & intime ami, que pour lui il ne pretend en aucune façon à la Royauté, qu’il pouvoit ſavoir & ſe ſouvenir que toute ſa vie il avoit fait profeſſion de Fakire ; mais que Dara étoit un homme incapable de gouverner un Royaume, que c’étoit un Kafer, un idolatré & haï de tous les plus grands Omrahs ; que Sultan Sujah étoit un Rafezy, un hérétique, & par conſéquent ennemi de l’Hindouſtan & indigne de la Couronne ; tellement qu’en un mot il n’y avoit que lui qui y pût raiſonnablement pretendre ; qu’à la Cour on l’attendoit, que toute la Cour qui n’ignoroit pas ſa valeur ſeroit pour lui, & que pour ſon particulier, s’il lui vouloit promettre qu’étant Roi il le laiſſeroit vivre douce-

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