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du grand Mogol.

quelques-unes de leurs lettres, les montra à Chah-Jehan, & en fit beaucoup de bruit, & Begum ſa ſœur ne manqua pas de ſe ſervir de cette occaſion pour animer le Roi contre eux ; mais Chah-Jehan ſe défioit de Dara, & craignant d’être empioiſonné, donna ordre qu’on prit particulierement garde à tout ce que l’on ſervoit ſur ſa table. On dit même qu’il écrivit à Aureng-Zebe, & que Dara en ayant été averti, ne pût s’empêcher de menacer & de fulminer. Cependant la maladie de Chah-Jehan traînoit, & le bruit couroit par tout qu’il étoit mort ; auſſi-tôt la Cour fut en deſordre, on prit l’alarme dans la Ville, les boutiques furent fermées pendant pluſieurs jours, & les quatre fils du Roi firent ouvertement de grands préparatifs, chacun de ſon côté ; & à dire le vrai, ce n’étoit pas ſans raiſon qu’ils ſe diſpofoient à la guerre ; car ils ſavoient tous fort bien qu’il n’y avoir point de quartier à eſperer, qu’il falloit, comme on dit, vaincre ou mourir, être Roi ou ſe perdre, & que celui qui auroit le deſſus ſe défairoit de tous les autres, comme autre-fois avoit fait leur pere Chah-Jehan de ſes freres.

Sultan Sujah, qui avoit amaſſé de grands treſors dans ce riche païs de Bengale, ruï-