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du grand Mogol.

d’être l’arbitre de la Couronne, ſi Chah-Jehan fût venu à manquer ; ou enfin parce que n’étant ni Perſan, ni originaire de Perſe, mais Indien, il ne manquoit pas d’envieux qui faiſoient courir le bruir qu’il entretenoit force troupes de Patans en divers endroits, bien leſtes & bien payées, à deſſein de faire Roi, ou lui, ou ſon fils, ou du moins chaſſer les Mogols & de remettre ſur le Thrône la nation des Patans dont étoit ſa femme ; quoi qu’il en ſoit Chah-Jehan reſolut d’envoyer une armée vers le Decan ſous la conduite de l’Émir-Jemla.

Dara, qui voyoit l’importance de l’affaire, & que d’envoyer des Troupes de ce côté-là, c’étoit donner des forces à Aureng-Zebe, s’y oppoſa fortement & fit ſon poſſible pour l’empêcher ; neanmoins, quand il vit que Chah-Jehan s’y opiniâtroit, il y fallut enfin conſentir. Ce fut pourtant à cette condition qu’Aureng-Zebe ſe tiendroit dans Daulet-Abad, comme Gouverneur du païs ſeulement, ſans ſe mêler aucunement de la guerre, ni pretendre de gouverner l’Armée : que l’Émir ſeroit Général abſolu, & que pour gage de ſa fidelité il laiſſeroit à la Cour toute ſa famille ; l’Émir eut bien de la peine à ſe

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