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du grand Mogol.

ſa propre perſonne ; & comme prevoyant ce qui lui eſt depuis arrivé ; car de les reſſerrer dans Goüaleor, qui eſt une Fortereſſe où l’on enferme ordinairement les Princes, & qui paſſe pour imprenable, parce qu’elle eſt ſituée ſur une roche inacceſſible, & qu’elle a dans ſon enclos de bonne eau & aſſez de quoi nourrir ſa garnifon ; ce n’étoit pas une choſe facile. Ils étoient déja trop puiſſans, chacun ayant un train de Prince ; & d’ailleurs il ne pou­voit honnêtement les éloigner d’auprès de lui ſans leur donner quelque gouver­nement convenable à leur naiſſance, où il avoit peur qu’ils ne ſe cantonaſſent & ne fiſſent les petits Roys independans, comme ils firent effectivement après. Neanmoins craignant qu’ils ne vinſſent à s’é­gorger devant ſes yeux, s’il les retenoit

toûjours à la Cour, il ſe reſolut enfin de les éloigner. Il envoya Sultan Sujah dans le Royaume de Bengale, Aureng Zebe dans le Decan, Marad-Bakche en Guzarate, & donna à Dara Caboul & Multan. Les trois premiers s’en allerent très-contens dans leur gouvernement, & là faiſoient les Souverains, & retenoien tous les revenus du pays, entretenans force troupes, ſous pretexte de tenir en bride les ſujets & les voi-

ſins