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du grand Mogol.

des amis à force de préſens qu’il donnoit aux grands Omrahs, & ſur tout aux plus puiſſans Rajas, comme Jeſſomſeigne & quelques autres ; mais il ſe laiſſoit un peu trop aller à ſes plaiſirs avec ce nombre ex­traordinaire de femmes qu’il avoit, & quand il étoit une fois parmi elles, les jours & les nuits ſe paſſoient à boire, à chanter, & à danſer ; il leur faiſoit des preſens de riches veſtemens, il leur augmentoit ou retranchoit leurs penſions ſelon que la fantaiſie lui en venoit, & ce n’étoit pas bien faire ſa Cour que de le vouloir retirer de là, ſi bien que quelque­ fois les affaires languiſſoient & beaucoup de gens ſe rebutoient.

Il ſe jetta dans la Religion des Perſans, encore que Chah-Jehan & tous ſes freres fuſſent de celle des Turcs ; car le Mahumetiſme eſt partagé en pluſieurs Sectes, ce qui a fait dire en deux vers à ce fameux Cheik-Sady l’auteur du Gouliſtan ; Je ſuis un Derviche bûveur ; je ſemble être ſans Religion ; je ſuis connu des ſoixante & douze Sectes : Mais entre toutes ces Sectes il y en a deux principales dont les Partiſans ſont ennemis mortels les uns des autres. La premiere eſt celle des Turcs que les Perſans appellent Oſmanlous,

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