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ront pour y arriver, ou s’il pourra franchir les précipices qui lui en défendent l’accès : mais l’air vif & frais qu’il respire fait couler dans ses veines un baume qui le restaure, & l’espérance du grand spectacle dont il va jouir, & des vérités nouvelles qui en seront les fruits, ranime ses forces & son courage. Il arrive : ses yeux éblouïs & attirés également de tous côtés, ne savent d’abord où se fixer ; peu-à-peu il s’accoutume à cette grande lumiere ; il fait un choix des objets qui doivent principalement l’occuper, & il détermine l’ordre qu’il doit suivre en les observant. Mais quelles expressions pourroient exciter les sensations, & peindre les idées, dont ces grands spectacles remplissent l’ame du Philosophe ! Il semble que dominant au dessus de ce Globe, il découvre les ressorts qui le font mouvoir, & qu’il reconnoît au moins les principaux agens qui opérent ses révolutions.

Du haut de l’Etna, par exemple, il voit les feux souterrains travailler à rendre à la Nature, l’eau, l’air, le phlogistique & les sels, emprisonnés dans les entrailles de la Terre ; il voit tous ces élémens s’élever du fond d’un gouffre immense, sous la forme d’une colonne de fumée blanche, dont le diametre a plus de 800 toises ; il voit cette colonne monter droit au Ciel, atteindre les couches les plus élevées de l’Athmosphere, & là se diviser en globes énormes qui roulent à de grandes distances en suivant la concavité de la voûte azurée. Il entend le bruit sourd & profond des explosions que produit