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montagnes, de grands objets d’admiration & d’étude. Ces grandes chaînes dont les sommets percent dans les régions élevées de l’Athmosphere, semblent être le laboratoire de la Nature, & le réservoir dont elle tire les biens & les maux qu’elle répand sur notre Terre, les fleuves qui l’arrosent, & les torrens qui la ravagent, les pluies qui la fertilisent & les orages qui la désolent. Tous les phénomenes de la Physique généraIe s’y présentent avec une grandeur & une majesté, dont les habitans des plaines n’ont aucune idée ; l’action des vents & celle de l’électricité aërienne s’y exercent avec une force étonnante ; les nuages se forment sous les yeux de l’Observateur, & souvent il voit naître sous ses pieds les tempêtes qui dévastent les plaines, tandis que les rayons du Soleil brillent autour de lui, & qu’au dessus de sa tête le Ciel est pur & serein. De grands spectacles de tout genre varient à chaque instant la scene ; ici un torrent se précipite du haut d’un rocher, forme des nappes & des cascades qui se résolvent en pluie, & présentent au spectateur de doubles & triples arcs-en-ciel qui suivent ses pas & changent de place avec lui. Là des avalanches de neige s’élancent avec une rapidité comparable à celle de la foudre, traversent & sillonnent des forêts en fauchant les plus grands arbres à fleur de terre, avec un fracas plus terrible que celui du tonnerre. Plus loin de grands espaces hérissés de glaces éternelles, donnent l’idée d’une Mer subitement congelée dans l’instant même où les aquilons soulevoient ses flots. Et à côté de ces glaces, au milieu de ces