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leurs maîtres sont des hommes raisonnables, et que les fautes des noirs ne viennent que d'étourderie, tâchez d'arranger leur accord: que si vous voyez de la répugnance dans l'esclave, ne l'y forcez pas. Les Athéniens ne permettaient pas qu'on remît un esclave fugitif entre les mains d'un maître irrité. J'ai vu de ces infortunés, ramenés et cruellement punis, se livrer à des actes de fureur. Un jour une femme plaça l'enfant de son maître dans son lit et y mit le feu.

Sans doute que parmi ces malheureux vous en trouverez de laborieux, et que vous les gagnerez par de petits bienfaits. Vous leur ferez voir que vos noirs sont chaudement vêtus, bien nourris, jamais frappés; qu'ils ont des femmes, qu'ils vivent tranquilles; et vous leur proposerez d'en augmenter le nombre, puisqu'avec plus de travail ils sont beaucoup plus mal. Une fois que vous aurez bien éprouvé un esclave, proposez à son maître de vous le vendre; certainement il vous le vendra à bon marché, et quoique vous n'ayez pas d'argent, il vous donnera des termes pour le payer même en grains, si vous l'aimez mieux. Voilà donc comment vous tirerez parti de vos ennemis, car la reconnaissance apprivoise le cœur humain. Les habitans disent que les nègres sont des ingrats, parce qu'ils fuient ceux mêmes qui leur accordent des secours passagers; mais il ne faut point oublier les coups de fouet, les travaux forcés. Ces souvenirs sont restés dans