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l'eau dans la terre, et il n'est pas vraisemblable que l'homme naturel l'eût deviné là. Je crus au Cap que l'homme avait été mieux servi. J'y vis des buissons couverts de gros artichauts couleur de chair, qui étaient d'une âpreté insupportable. Dans les bois de la France et de l'Allemagne, on ne trouve de mangeable que les faînes du hêtre et les fruits du châtaignier; encore ce n'est que dans une courte saison. On assure, il est vrai, que, dans l'âge d'or des Gaules, nos ancêtres vivaient de gland; mais le gland de nos chênes constipe. Il n'y a que celui du chêne vert qu'on puisse digérer: il est très-rare en France, et il n'est commun qu'en Italie, d'où nous est venue aussi cette tradition. Un peu d'histoire naturelle servirait à écrire l'histoire des hommes.

On ne trouve dans les forêts du nord que les pommes de sapin, dont les écureuils s'accommodent fort bien. Il est fort douteux que les hommes pussent en vivre. La nature aurait traité bien mal le roi des animaux, puisque la table est mise pour tous, excepté pour lui, si elle ne lui avait pas donné une raison universelle qui tire parti de tout, et la sociabilité, sans laquelle ses forces ne sauraient servir sa raison. Ainsi, d'une seule observation naturelle on peut prouver, 1^o que le plus stupide des paysans est supérieur au plus intelligent des animaux, qu'on ne dressera jamais à semer et à labourer de lui-même; 2^o que l'homme est né pour la société,