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lits de marée. Deux heures après, nous trouvâmes un mât de hune garni de tous ses agrès. On crut le reconnaître pour appartenir à un vaisseau anglais, que la tempête avait obligé de couper ses mâts. Nous l'embarquâmes avec plaisir; car nous manquions de bois à brûler, et, qui pis est, de vivres. Depuis huit jours, on ne faisait plus qu'un repas en vingt-quatre heures.

Pendant plusieurs jours le ciel fut couvert à midi, de sorte que nous ignorions notre latitude. Le 28, il s'éleva un très-gros temps: le vaisseau tint la cape sous ses basses voiles. A onze heures du matin, nous aperçûmes un petit navire devant nous. Nous gouvernâmes sur lui, et nous le rangeâmes sous le vent. Il y avait, sur son bord, sept hommes qui pompaient de toutes leurs forces: l'eau sortait de tous les dalots de son pont. Nous roulions l'un et l'autre panne sur panne, et dans quelques arrivées, les lames pensèrent le jeter sur nos lisses. Le patron, en bonnet rouge, nous cria, dans son porte-voix, qu'il était parti de Bordeaux depuis vingt-quatres heures, qu'il allait en Irlande, et il se hâta de s'éloigner. On jugea que c'était un contrebandier, la coutume étant sur mer comme sur terre, d'avoir mauvaise opinion des gens qui sont en mauvais ordre.

Vers une heure après midi le vent s'apaisa; les nuages se partagèrent en deux longues bandes, et le soleil parut. On appareilla toutes les voiles; on plaça des matelots en sentinelle sur les