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La lune se leva et vint éclairer cette solitude. Sa lumière, qui rend les sites agréables plus touchans, rendait celui-ci plus effroyable. Nous étions au pied d'un morne noir, au haut duquel on distinguait une grande croix, que des marins y ont plantée. Devant nous, la plaine était couverte de rochers, d'où s'élevait une infinité de pointes de la hauteur d'un homme. La lune faisait briller leurs sommets blanchis de la fiente des oiseaux. Ces têtes blanches sur ces corps noirs, dont les uns étaient debout, et les autres inclinés, paraissaient comme des spectres errans sur des tombeaux. Le plus profond silence régnait sur cette terre désolée; de temps à autre, on entendait seulement le bruit de la mer sur la côte, ou le cri vague de quelque frégate, effrayée d'y voir des habitans.

Nous fûmes dans la grande anse, attendre les tortues. Nous étions couchés sur le ventre dans le plus grand silence. Au moindre bruit cet animal se retire. Enfin nous en vîmes sortir trois des flots; on les distinguait comme des masses noires qui grimpaient lentement sur le sable du rivage. Nous courûmes à la première; mais notre impatience nous la fit manquer. Elle redescendit la pente et se mit à la nage. La seconde était plus avancée, et ne put retourner sur ses pas. Nous la jetâmes sur le dos. Dans le reste de la nuit, et dans la même anse, nous en tournâ-