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juste. Nos journalistes ne sont point des pirates: ce sont, pour l'ordinaire, de paisibles paquebots qui passent et repassent sur le fleuve de l'Oubli, qu'ils appellent fleuve de Mémoire, nos fugitives réputations. Amis et ennemis, tous leur sont indifférens. Ils n'ont d'autre but, au fond, que de remplir leur barque, afin de gagner honnêtement leur vie.

Ce n'est pas une petite affaire de mettre tous les jours à la voile avec une nouvelle cargaison. Un journaliste à vide serait capable de remplir ses feuilles de leur propre critique. J'en ai eu un jour une preuve assez singulière. Un d'entre eux, voulant plaire à un parti puissant qui le protégeait, s'avisa d'attaquer ma Théorie du mouvement des mers. Comme il n'entendait pas plus celle des astronomes que la mienne, il me fut aisé de le réfuter. Je lui répondis par un autre journal; et j'insérai dans ma réponse quelques légères épigrammes sur sa double ignorance. Je crus qu'il en serait piqué. Point du tout. Il m'écrivit tendrement pour se plaindre de ce que je n'avais pas eu assez de confiance en lui pour lui adresser ma réponse, en m'assurant que quoiqu'il y fût maltraité, il l'aurait imprimée avec la fidélité la plus exacte, et qu'elle aurait fait le plus grand honneur à ses feuilles. Il est clair qu'il n'avait eu, en me provoquant, d'autre but que l'innocent désir de gagner de l'argent en rem-