Page:Voyage A L'Ile-De-France ; Tome Second.pdf/169

Cette page n’a pas encore été corrigée

car on ne peut en détacher des morceaux; ce n'est point un feu, car elle ne s'éteint point dans l'eau; ce n'est point un esprit, puisqu'elle est visible; ce n'est point un corps, puisqu'on ne peut le manier; ce n'est pas même un mouvement, puisqu'elle n'agite pas les corps les plus légers: ce n'est donc rien du tout. Enfin, à force de contempler le soleil et de raisonner sur sa lumière, il en avait perdu les yeux, et qui pis est, la raison. Il croyait que c'était non pas sa vue, mais le soleil qui n'existait plus dans l'univers. Il avait pour conducteur un nègre qui, ayant fait asseoir son maître à l'ombre d'un cocotier, ramassa par terre un de ses cocos et se mit à faire un lampion avec sa coque, une mèche avec son caire, et à exprimer de sa noix un peu d'huile pour mettre dans son lampion. Pendant que le nègre s'occupait ainsi, l'aveugle lui dit en soupirant: Il n'y a donc plus de lumière au monde? Il y a celle du soleil, répondit le nègre. Qu'est-ce que le soleil? reprit l'aveugle. Je n'en sais rien, répondit l'Africain, si ce n'est que son lever est le commencement de mes travaux, et son coucher en est la fin. Sa lumière m'intéresse moins que celle de mon lampion, qui m'éclaire dans ma case: sans elle, je ne pourrais vous servir pendant la nuit. Alors, montrant son petit coco, il dit: Voilà mon soleil. A ce propos, un homme du village qui marchait avec des béquilles, se