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pas que chacun d'eux ne retournât à la sienne quand il serait de sang-froid.

Désirant fixer mon jugement sur les sujets de la conversation, je m'adressai à un voisin qui avait constamment gardé le silence, et m'avait paru d'une humeur toujours égale: «Que pensez-vous, lui dis-je, de la Silésie, et du seigneur du château?—La Silésie, me répondit-il, est un fort bon pays, puisqu'elle produit des fruits en abondance; et le seigneur du château est un excellent homme, puisqu'il fait du bien à tous les malheureux. Quant à la manière d'en juger, elle diffère dans chaque individu, suivant sa religion, sa nation, son état, sa tempérament, son sexe, son âge, la saison de l'année, l'heure même du jour, et surtout d'après l'éducation qui donne la première et la dernière teinture à nos jugemens; mais quand on rapporte tout au bonheur du genre humain, on est sûr de juger comme Dieu agit. C'est sur la raison générale de l'univers que nous devons régler nos raisons particulières, comme nous réglons nos montres sur le soleil.»

Depuis cette conversation, j'ai tâché de juger de tout comme ce philosophe; j'ai trouvé même qu'il en était de notre globe et de ses habitans comme de la Silésie: chacun s'en fait une idée d'après son éducation. Les astronomes n'y voient qu'un globe fait en fromage de Hollande, qui